après l’abandon de Blanquer, qui chez LaREM pour affronter Pécresse?


Échaudés par le calvaire d’Agnès Buzyn aux municipales à Paris, les marcheurs franciliens essaient de propulser au plus vite un candidat de substitution. Le député Laurent Saint-Martin tient la corde.

Avant la question des idées, la politique pose souvent celle des objectifs. En Île-de-France, ceux de La République en marche sont simples: quel macroniste sera en capacité de faire un score à deux chiffres au premier tour des élections régionales et, ainsi, mettre en difficulté Valérie Pécresse au second? Au point, espèrent-ils, de contraindre la présidente sortante à accepter une fusion des listes pour sauver son trône face à la gauche?

Jusqu’à récemment, au-delà des inconnus liés à la crise sanitaire, LaREM pensait tenir sa martingale en la personne de Jean-Michel Blanquer. Plutôt populaire, bien identifié dans le paysage sur les thèmes de la laïcité et de l’ordre républicain, le ministre de l’Éducation nationale aurait été en mesure, selon beaucoup de marcheurs, de déstabiliser la droite francilienne. On sait désormais que ce scénario est en voie d’élimination. L’intéressé a lui-même déclaré sur LCI être « accaparé par la crise sanitaire » et ne pas avoir de « temps pour les processus électoraux ».

Attal, « l’hypothèse incertaine »

Retour à la case départ pour LaREM, donc, à cinq mois d’une échéance décalée de mars à juin à cause du Covid. « Sans Blanquer, il y aura clairement un déficit de notoriété », soupire Anne-Christine Lang, députée LaREM de Paris. « Déjà que j’avais du mal à voir le tableau des régions, je le vois encore moins désormais », abonde un cadre du MoDem.

Plus que d’autres scrutins locaux, celui-ci exige la mise en orbite de têtes de liste suffisamment charismatiques ou connues du grand public. C’est la cuve plus le cas depuis la création, sous François Hollande, de grandes régions qui constituent aujourd’hui de puissantes baronnies. L’Île-de-France n’a pas été élargie, mais demeure la plus riche de France.

« Il faut très vite que la campagne s’incarne. On a beau dire ‘le projet d’abord, etc’, on sait que ce n’est pas vrai. C’est l’incarnation qui crée la dynamique et qui sonne la vraie entrée dans le match « , rappelle Anne-Christine Lang.

Parmi les noms qui circulent pour remplacer celui de Jean-Michel Blanquer, il y a ceux d’autres membres du gouvernement: son porte-parole, Gabriel Attal, la ministre de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher et la ministre du Logement Emmanuelle Wargon. Le premier, le plus politique et qui bénéficie d’une « bande passante médiatique » considérable du fait de son poste, est paradoxalement celui qui en a le moins envie.

« L’hypothèse Attal est très incertaine », confirme un poids lourd de la macronie parisienne auprès de BFMTV.com. « D’abord il n’est pas casse-cou, ce qui à mon avis est une erreur. Mais il va avoir 32 ans, l’Île-de-France est l’une des régions les plus jeunes du pays, et à la fin, la question, c’est la tronche que vous mettez en haut de l’affiche. Je lui conseillerais vivement d’y aller. « 

La solution Saint-Martin

Un ponte UDI des Hauts-de-Seine, département où Gabriel Attal est élu, est du même avis. « C’est le seul politique qu’ils ont en stock. Il n’a rien à perdre. Il a toutes les raisons de pouvoir y aller », observe-t-il. Sauf si l’on tient compte du douloureux précédent des municipales à Paris l’an dernier. Le calvaire vécu par Agnès Buzyn, sans cesse ramenée à son statut d’ex-ministre de la Santé quittant son poste en plein début d’épidémie, en a tétanisé plus d’une en macronie. Résultat, il n’y a plus grand-monde pour encore croire aux options Pannier-Runacher ou Wargon.

« Vous cramez un ministre pour rien, puis un bon ministre techno ne fait pas un bon candidat, on l’a vu. Pannier-Runacher sort de l’inspection des finances et Wargon apporte zéro politiquement », tacle un parlementaire LaREM.

C’est plutôt dans le vivier de l’Assemblée nationale que devrait se trouver la solution. Élu dans le Val-de-Marne, rapporteur général du budget, le député Laurent Saint-Martin travaille le plus nécessaire à prendre la suite de Jean-Michel Blanquer. Vendredi sur Sud Radio, le natif de Toulouse l’a évoqué à demi-mot, rappelant qu’il faisait déjà partie du groupe travaillant sur les aspects programmatiques de la campagne LaREM en Île-de-France.

Fort du soutien de ministres tels que Cédric O ou Olivia Grégoire, Laurent Saint-Martin a également été « adoubé » par une autre prétendante à la tête de liste régionale, sa très médiatique collègue Aurore Bergé.

« C’est lui qui nous a coordonnés, (…) donc je pense qu’en effet ça pourrait être une très belle option que Laurent Saint-Martin peut être notre candidat », a déclaré la dépêche des Yvelines ce mardi matin sur France Info.

L’épine du MoDem

« Il fait bien la jonction entre l’aile droite et l’aile gauche », résume une autre députée LaREM des Yvelines, Marie Lebec, très favorable à ce que l’ex-socialiste franchisse la haie. « Il est solide, compétent, c’est un outsider donc il peut aussi créer la surprise », croit-elle.

« Il tient n’importe quel débat sur les dossiers régionaux et il est totalement compatible avec Pécresse pour les fusions de second tour. Il n’y aura pas d’accident industriel s’il y va. Et ça, ce n’est pas neutre. S’il pimpe un peu son casting, ça peut marcher « , indique un autre élu macroniste pourtant favorable à une candidature de Gabriel Attal.

À supposer qu’il se lance, la route de Laurent Saint-Martin est encore longue. La constitution des différentes listes départementales, dont les membres élus votent ensuite pour le président de région, promet d’être sportive. Les dirigeants de LaREM seront une fois de plus confrontés aux intérêts contradictoires présentés au sein de la nébuleuse centriste. Exemple: Delphine Bürkli et Florence Berthout, maires d’arrondissement réélues avec l’étiquette macroniste en 2020 à Paris, ont récemment signé une tribune appelant à soutenir d’emblée Valérie Pécresse.

Autre épine que Laurent Saint-Martin aura dans le pied, celle du MoDem, partenaire de la majorité sortante LR au conseil régional. Elle compte d’ailleurs un secrétaire d’État du gouvernement Castex, Nathalie Elimas. Si une scission des troupes MoDem avec Valérie Pécresse était envisageable lorsque Jean-Michel Blanquer était dans la course, elle est désormais un compromis. Et ce, en faute du lien politique qui unit François Bayrou à Emmanuel Macron.

« Il y a deux options », affirme un conseiller régional MoDem. « Soit sur une liste LaREM / MoDem au premier tour, puis une fusion avec Pécresse au second tour en croisant les doigts pour que ça marche. Soit on ouvre des discussions avec Pécresse pour une liste assez large incluant LR, LaREM et MoDem dès le première tournée.  » L’élu, proche de Valérie Pécresse, lorgne évidemment cette seconde option.

« Pécresse ne peut pas gagner sans nous »

Tout sera plus clair au début du mois de février. C’est la députée de l’Essonne Marie Guévenoux qui est en charge d’organiser le casting des régions pour LaREM. Quoi qu’il en soit, « le sujet, c’est de faire 15% », résume un ancien ministre d’Emmanuel Macron.

« Pécresse ne peut pas gagner sans nous. En 2015 elle a gagné à un poil de fesse. Donc même si elle fait un gros score à 30 ou 32% au premier tour, il lui faut au moins 10 points de plus. Et ils sont forcément chez nous « , analyse-t-il.

Beaucoup plus pessimiste, un macroniste francilien prédit une campagne « très compliquée » quelle que soit la tête d’affiche. « Il faut sauver les meubles sans enjamber le scrutin, en disant qu’on est present », nous explique-t-il, autoriser entender que LaREM devra se maintenir au second tour.

« L’hypothèse d’une fusion avec les listes Pécresse n’est pas à l’ordre du jour. Et dans le cadre d’une triangulaire ou d’une quadrangulaire, ça reste difficile de dire à un macroniste de voter pour LaREM alors qu’il ya un affrontement droite-gauche « , estime cette source.

Et de conclure: « L’entre-deux tour, ce sera Pécresse-Pulvar. Comme Dati-Hidalgo aux municipales. Tu te retrouves comme un con au milieu. » Comprendre, comme Agnès Buzyn. On se souvient de ce qu’il en est advenu.

Jules Pecnard Journaliste BFMTV



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