Allocation temporaire d’invalidité : pas de déduction sans versement – Responsabilité


En l’, un gardien de la paix, blessé au cours d’une manifestation par une palette de bois déclenché par un individu qui n’a pu être identifié, a saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) pour obtenir réparation de son préjudice de la partie du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI).

La commission saisie a imputé l’allocation temporaire d’invalidité à laquelle la victime avait droit de la partie de l’organisme de sécurité sociale sur la somme due par le FGTI, alors même qu’elle n’avait ni demandé ni perçue. Une fois cette déduction évaluée, la commission a décidé que la victime n’avait le droit à aucune indemnité complémentaire au titre de l’incidence professionnelle et à une indemnité de 13 012,75 € au titre du déficit fonctionnel permanent.

Cette dernière a été saisie par une cour d’appel pour qu’elle déclare que la prestation non perçue ne devait pas être perçue des postes d’incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent.

Sa demande a été rejetée par la cour d’appel, dans laquelle a été jugée, parce que la victime pouvait prétendre à cette allocation d’invalidité, son montant était dû bien être soustrait à l’indemnité due par la FGTI au titre de l’incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent.

Invoquant le principe de la réparation intégrale, la victime s’est assurée en cassation. Ellenait que cette allocation n’est pas remboursée de l’indemnité due à la victime que si son versement est certain, dès lors que sa déduction vise à éviter la double indemnisation d’un même préjudice. En retenant que le montant de l’allocation auquel elle aurait pu prétendre, si elle n’avait pas laissé prescrire ses droits, devait être déduite de l’indemnité mise à la charge du FGTI au titre de l’incidence professionnelle et, le cas éventuel du déficit fonctionnel permanent, qu’elle n’avait pas perçu et ne pouvait percevoir, la cour d’appel aurait violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1240 du code civil et 706-9 du code de procédure pénale.

La question posée à la Cour de cassation portait donc sur le point de savoir si les prestations réclament la victime d’un droit de la partie de l’organisme de sécurité sociale mais qui ne sont ni perçues ni perçues doivent être déduites du montant de l’indemnité dû par le FGTI.

Celle-ci répond par la négative et casse la décision des juges du fond.

Elle rappelle que l’article 706-9 du code de procédure pénale fait référence aux prestations énumérées au II de l’article 1euh de l’ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 mentionnée, qui suppose une dette de l’État envers la victime, définie et exécutoire au jour où la CIVI ou la cour d’appel se prononce sur l’indemnisation due à la victime par le FGTI. En l’espèce, puisque la cour d’appel constatait que la victime avait laissé préscrire ses droits au bénéfice de l’allocation d’invalidité et que par conséquent elle n’avait pas perçu, en déduisant cette somme du montant de son indemnité , elle a violé les textes et le principe de réparation intégrale.

La Cour de cassation reconnaît de façon constante que le Fonds d’indemnisation chargé de verser à la victime les sommes chiffrées par la CIVI ne joue pas un rôle subsidiaire. Autrement dit, la victime n’est pas tenue, causée à la saisine de la CIVI, de tenter d’obtenir l’indemnisation de son préjudice des personnes responsables du dommage causé par l’infraction ou tenues à un titre quelconque d’en assureur la réparation (Civ. 2e, 23 juin 1993, n° 91-19.791, Bull. civ. II, n° 224 ; RCA 1993, n° 312 ; 6 nov. 1996, n° 94-17.971, Bull. civ. II, n° 243 ; 7 oct. 1999, n° 97-21.766, RCA 1999, n° 360 ; 13 déc. 2001, n° 00-12.105, Bull. civ. II, n°191, D. 2002. 258 ; 30 avr. 2014, n° 13-14.943, inédit).

Cela ne doit toutefois pas être renseigné sur la nécessité ou non, pour la victime, d’avoir demandé et reçu les prestations d’elle à un droit pour qu’elles soient acquises de la somme que le fond est tenu de verser.

En l’espèce, le requérant est victime d’un accident de service. La loi du 26 janvier 1984 (L. n° 84-53, 26 janv. 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, JO 24 janv.) définit ce type d’accident comme l’accident qui se produit dans l ‘exercice, ou à l’occasion de l’exercice des fonctions, notion élargie par le Conseil d’État à l’accident survenu au cours d’une activité constituant le prolongement du service (CE 14 mai 2008, n° 293899, Mmoi Pajot c. Caisse des dépôts et consignations, Dalloz actualité, 3 juin 2008, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon p. 182 ; AJDA 2008. 1023 ; AJFP 2008. 251 ). L’accident de service se distingue de l’accident du travail notamment par le statut de la victime qui, dans le premier cas, travaille dans le secteur public, dans le second, travaille dans le secteur privé. L’accident de service est soumis à des règles spécifiques, là où l’accident du travail dépend de ce qui est appelé le régime général. Les victimes d’accidents de service ont le statut de fonctionnaires, celles d’un accident du travail sont salariées. En cas d’accident de service ou de maladie professionnelle, la victime peut recevoir de l’État une allocation dite « allocation temporaire d’invalidité ». Elle est l’équivalent de la rente accident du travail versé à un salarié victime d’un accident du travail.

Cette allocation est régie par l’article 1euh du décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 qui dispose que « L’allocation temporaire d’invalidité prévue à l’article 65 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant des dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est attribué aux agents responsables en activité qui justifient d’une invalidité permanente résultant : a) Soit d’un accident de service ayant une incapacité permanente d’un taux rémunérable au moins égal à 10 % ; La demande d’allocation doit, à peine d’échéance, être présentée dans le délai d’un à partir du jour où le fonctionnaire a repris ses fonctions après la consolidation de la blessure ou de son état de santé…/… ».

La Cour de cassation reconnaît que cette allocation indemnise, d’une part, les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité et, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent et qu’en l’absence de perte de gains professionnels ou d’incidence professionnelle, elle indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent (Civ. 2e, 18 mars 2010, n° 09-13.936, inédit).

Concernant la question de sa déduction du montant versé par le Fonds, on trouve des arrêts dans lesquels la haute juridiction adopte une position différente de celle prise dans l’arrêt sous commentaire. Par exemple, elle a été jugée au visa des articles 706-3, 706-9 et R. 50-9 du code de procédure pénale, que « les prestations versées aux victimes par les caisses de sécurité sociale à raison des faits prévus par ces textes doivent être déduites de l’indemnité mise à la charge du Fonds de garantie pour réparer les atteintes à l’intégrité physique ». Elle reprochait à la CIVI d’avoir violé ces textes en n’ayant pas déduit de l’indemnité versée à la victime le montant des prestations qu’il aurait pu prétendre n’avoir pas laissé prescrire ses droits (Civ. 2e, 1euh juill. 1992, n° 91-21.542, Bull. civ. II, n° 182 ; JCP 1992. IV. 2544).

Elle a également décidé « qu’en vertu de l’article 706-9 du code de procédure pénale doit être déduit de l’indemnité mise à la charge du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions au montant des prestations et sommes que les victimes auraient pu prétendre à l’encontre de l’assureur de l’aéronef, si elles n’avaient pas laissé prescrire leurs droits (Civ. 2e, 11 juin 2009, n° 08-13.649, inédit, RCA 2009, n° 246).

Néanmoins, la Cour de cassation a aussi reconnu que « les indemnités versées par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions n’étant pas subsidiaires à la prestation de compensation du handicap, celle-ci, qui n’ un pas à être obligatoirement sollicité par une victime pouvant prétendre et qui n’est pas versé par un organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, ne saurait, en l’absence de demande de la victime, être considéré comme une indemnité à recevoir au sens de l’article 706-9 du code de procédure pénale » (Civ. 2e, 13 déc. 2018, n° 17-28.019, inédit, RTD civ. 2019. 353, obs. P. Jourdain ; RCA 2019. Comm. 69, obs. H. Groutel).

Récemment, surtout à propos de la rente accident du travail, la deuxième chambre civile a retenu qu’ayant d’une partie rappelé que l’article 706-9 du code de procédure pénale fait référence aux prestations versées par l’organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, ce qui suppose une dette de cet organisme envers la victime définitivement définie et exécutée au jour où la CIVI ou la cour d’appel se prononce, puis trouver qu’en l’espèce, aucune déclaration d’accident du travail n’avait été régularisé auprès de l’organisme social et qu’aucune rente d’accident du travail n’était versé à [la victime], la cour d’appel a décidé à bon droit qu’en l’absence de tout versement effectif et préalable d’une rente accident du travail, [la victime] devrait être indemnisée de la totalité de ses pertes de gains professionnels futurs par le FGTI (Civ. 2e, 16 janv. 2020, n° 18-23.604, inédit).

La rente accident du travail indemnise la réduction de la capacité de travail de la victime consécutive à un accident de travail, là où l’allocation temporaire d’invalidité indemnise la même choix mais en cas d’accident de service. Les deux prestations ont le même objectif. Par conséquent, si la rente accident du travail doit avoir été versée pour être déduite de l’indemnité due par le FGTI, il doit en aller de même pour l’allocation temporaire d’invalidité. Et c’est en ce sens que se prononce la haute juridiction dans la décision du 14 octobre 2021.

Désormais, la CIVI et les juges du fond devront assurer que cette allocation a été demandée et perçue par la victime avant de traduire l’indemnité due par le FGTI, sauf à contrevenir tant à l’article 706-9 du code de procédure pénale qu’au principe de réparation intégrale de la victime.

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