News

3 batailles qui définiront l’avenir de la droite française – POLITICO


Appuyez sur play pour écouter cet article

La politique électorale française est censée être entrée dans un calme prolongé ou une pause ; il n’y a pas d’élections nationales ou locales prévues avant 18 mois.

Calmes? À peine. Le calme avant la tempête? C’est plus comme ça. Trois batailles distinctes se livrent cet automne qui façonneront le destin de la droite française. L’issue d’au moins une de ces batailles de leadership, pour la tête du parti, pourrait potentiellement avoir de graves conséquences sur l’agenda du second mandat du président Emmanuel Macron.

Le centre-droit, Les Républicains, est en train de choisir un nouveau président de parti. L’issue pourrait décider si un mouvement politique autrefois dominant, successeur des partis de Charles de Gaulle, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, va se redresser ou finalement se dissoudre.

Le Rassemblement national d’extrême droite est également en mode succession alors que la bataille pour le leadership du nouveau président du parti se profile. Pour la première fois en 70 ans d’histoire du parti, aucun des candidats ne s’appelle Le Pen.

Marine Le Pen a décidé de se concentrer sur son rôle de leader du nouveau groupe d’extrême droite à l’Assemblée nationale. Elle restera cependant la dirigeante de facto du parti et la probable candidate à la présidence en 2027.

Des efforts sont également en cours pour relancer le parti nationaliste-populiste rival d’Eric Zemmour, encore plus radical, Reconquête, après ses défaites écrasantes en avril et juin.

Sur les trois événements, l’élection d’un nouveau chef pour le très diminué Les Républicains (LR) peuvent paraître les moins significatifs. Mais à court terme, ses implications sont les plus importantes.

Depuis que Macron a perdu sa majorité absolue à l’Assemblée nationale en juin, les 62 députés LR détiennent l’équilibre des pouvoirs. Ils ont accordé fin juillet un soutien conditionnel à Macron et à la Première ministre Elisabeth Borne pour un ensemble de 44 milliards d’euros de lutte contre l’inflation et d’autres mesures d’urgence.

Sans le soutien continu du centre droit, il sera impossible pour Macron de mener à bien ses propositions de réformes des systèmes publics de retraite et d’assurance-chômage. Il sera difficile pour Macron et Borne de gouverner.

Le résultat du vote interne au parti pourrait mettre fin à tout soutien LR à Macron. Alternativement, cela pourrait signifier – utilement pour Macron – la fin des Républicains.

Le parti se retrouve maintenant, inconfortablement et peut-être de manière insoutenable, à cheval sur l’une des nouvelles lignes de fracture de la politique française. La division gauche-droite, d’abord étiquetée en France, a cédé la place à trois tribus qui se détestent mutuellement, chacune divisée de manière venimeuse en elle-même : la gauche et les verts dominés par les radicaux ; le centre majoritairement macroniste et pro-européen ; et la droite nationaliste-populiste.

De nombreux députés et électeurs LR se sentent plus proches du lepennisme ou du zemmourisme que du centre macroniste. D’autres détestent ou se méfient de Macron, mais partagent son approche pro-européenne du gouvernement axée sur le marché.

La figure de proue de chaque faction au sein de LR ne participera pas aux élections du parti cet automne.

Le centre-droit Les Républicains tient la balance du pouvoir. Sans leur soutien continu, il sera impossible pour Macron de mener à bien ses propositions de réforme | Patrick Kovarik/AFP via Getty Images

Laurent Wauquiez, 47 ans, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, se considère comme le champion de la droite dure. Xavier Bernard, 57 ans, président de la région Nord, se voit comme l’homme capable de réinventer un mouvement de centre-droit gaulliste-chiraquien, socialement conscient, populaire mais pas populiste.

Tous deux ont lancé leurs propres micro-partis, une manière de dire qu’ils prévoient de se présenter à l’Elysée en 2027 mais évitent le genre de primaire du parti LR qui a produit la candidature calamiteuse de Valérie Pécresse (4,8 % des voix) en avril dernier.

En leur absence, l’élection à la direction du parti LR importe-t-elle ? Oui. Ni Wauquiez ni Bertrand ne peuvent s’imposer en 2027 avec la seule dépouille de LR ; ni l’un ni l’autre ne peut gagner sans lui. Les deux ont des candidats par procuration dans la course à la direction du parti.

Le favori est Eric Ciotti, 62 ans, député de Nice, figure dominante de l’aile dure, nationaliste et anti-Macron du parti. Il est un partisan déclaré de Wauquiez.

Il a été interpellé cette semaine par le secrétaire général LR, Aurélien Pradié, 36 ans, député du département du Lot dans le sud-ouest. Pradié est un conservateur économiquement modéré, pro-européen mais un critique constant de Macron. Il veut reprendre le devant de la scène à LR et à son allié Bertrand.

Le troisième candidat significatif est Bruno Retailleau, 61 ans, chef du parti LR au Sénat français. Il est également issu de l’extrême droite du parti, mais se considère plus à même de maintenir la cohésion des LR que l’agressif Ciotti.

Dans l’état actuel des choses, Ciotti est pressenti par des commentateurs des médias et des initiés du parti pour remporter le concours à deux tours, entre le 3 et le 11 décembre. Des sources du parti affirment que le parti parlementaire penche vers le centre ; ce qui reste de la base penche à droite.

« Pradié est l’avenir du parti », a déclaré à POLITICO un haut responsable du parti modéré. « Mais je ne suis pas sûr que le parti ait beaucoup d’avenir. »

La course parallèle à la direction, ou à la direction nominale, du Rassemblement national apparaît encore plus facile à prévoir. Il n’y a que deux coureurs : le jeune président par intérim Jordan Bardella, 27 ans ; et le vice-président du parti, Louis Aliot, 53 ans, maire de Perpignan et ancien partenaire amoureux de Le Pen.

Les deux soutiennent la volonté de Le Pen de débarrasser le parti du racisme pur et simple ; aucun des deux ne contestera son droit de se présenter à la présidence (pour la quatrième fois) en 2027. Aliot est considérée comme peu inspirante par les jeunes membres du RN ; Bardella est rejeté par la vieille garde comme un parvenu qui a été absurdement sur-promu par Le Pen.

Les sondages d’opinion suggèrent que Bardella gagnera facilement. C’est un artiste médiatique habile avec une belle allure de groupe de garçons qui – espère Le Pen – l’aidera à achever la longue migration du RN de paria à un parti respectable du gouvernement.

C’est peut-être un vœu pieux. Lorsque Bardella exprime ses propres opinions, plutôt que celles de Le Pen, ils virent vers la même islamophobie pure et simple et les mêmes obsessions raciales conspirationnistes que Zemmour.

Et que dire de Zemmour ? Le parti de l’ex-pundit est en train de se reconstruire et de se relancer, à commencer par une « université d’été » (en réalité une conférence) très courue dans le Var le week-end dernier. Certains partisans de haut rang qui ont monté à bord lors de l’ascension fulgurante de Zemmour l’année dernière ont quitté le navire, se plaignant que le parti est, plus que jamais, un culte de la personnalité centré sur Paris.

Il serait stupide, cependant, d’écarter Zemmour. Les trois événements internes du parti cet automne sont distincts mais entrelacés – faisant partie d’un kaléidoscope de structures et d’allégeances changeantes à la droite française.

Si Ciotti remporte la présidence LR, il tentera d’entraîner le parti dans le même territoire nationaliste-populiste que Zemmour et Le Pen. Il tentera d’empêcher, ou de limiter, le soutien parlementaire LR à Macron.

Les vestiges du mouvement gaulliste peuvent alors se scinder. Zemmour espère capter, voire fusionner, l’aile Ciotti-Wauquiez. Le parti de Le Pen sous la présidence de Bardella cherchera des alliances avec les deux. L’extrême droite pourrait devenir plus puissante ; ou il pourrait se transformer en querelles internes.

Les partisans modérés de LR et les députés se verront offrir un nouveau siège au sein du parti de centre-droit, Horizons, lancé l’an dernier par l’ancien Premier ministre de Macron, Edouard Phillippe. Cela pourrait renforcer le soutien de Macron à l’Assemblée nationale mais ne le ferait pas lui donner les 39 sièges dont il a besoin pour la majorité absolue.

Pris ensemble, les événements de cet automne détermineront qui – le cas échéant – dominera la section conservatrice-nationaliste du paysage politique français dans les années à venir. Ils aideront également à décider si le centrisme pro-européen et consensuel de Macron survivra à son décès politique à la fin de son deuxième et dernier mandat en 2027.

Laisser un commentaire